Helbert Serge, spécialisé en Posturologie Podale. 23, rue Biot 75017 Paris.




Résumé:


Nous avons réalisé une étude stabilométrique chez 80 patients présentant une inégalité de membre inférieur entre 5 et 15 mm diagnostiquée selon une approche radiologique et clinique spécifique.


Chaque patient a été enregistré sur la plate-forme de stabilométrie clinique pieds nus puis avec une compensation de 2 et 5 mm sous le talon et sous tout le pied.


Les résultats montrent une réponse statistique significative sur le paramètre des X moyen et des Y moyen avec une compensation sous le talon de 2 et 5 mm. Le gain est plus important avec une compensation de 2 mm.


La compensation sous tout le pied n’apporte pas de gain significatif.


On remarque que la projection du centre de gravité est du côté de la jambe longue, et l’œil directeur du côté du membre inférieur plus court.


L’examen clinique conjoint à cette étude, montre une différence de réponse très nette aux différents tests posturaux utilisés entre une compensation sous le talon et sous tout le pied, et ceci en défaveur de la compensation sous tout le pied et à un moindre degré pour une compensation de 2 mm..




Etude stabilométrique de la jambe courte.




On compense du tiers de la différence chez le pré-pubère ou pubère et du quart de la différence vraie au-delà. Il tient compte aussi de la différence mesurée entre la position debout et en décubitus. [1].


Pour Lavigne et Noviel la hauteur de la compensation d’une inégalité du membre inférieur varie de la moitié au tiers de la différence.[2]


Osterman déconseillait la talonnette qui selon lui produisait une torsion du médio-pied et préférait un appui scaphoïde.[3]


Nous rencontrons cette même variabilité dans le protocole de l’examen clinique.


Conventionnellement, l’examen clinique qui permet de valider la hauteur nécessaire de compensation se pratique en disposant la compensation sous le talon, mais certains praticiens disposent celle-ci sous tout le pied. Dans tous les cas, le traitement se fera avec une compensation de type talonnette uniquement sous le talon.


Ces différences d’appréciations nous ont amenées à évaluer sur la plate forme de stabilométrie clinique, différentes hauteurs de compensation chez des patients présentant une inégalité vraie des membres inférieurs, afin d’en apprécier le retentissement postural.




Méthode diagnostique des inégalités de longueur.


Notre démarche diagnostique repose sur un examen radiologique qui doit être confirmé impérativement par un examen clinique.


 


1) Le diagnostic radiologique:


Classiquement les radiologues utilisent une règle graduée radio-opaque pour les mesures en orthoradiographie et lors des radios en téléradiographie il doivent appliquer le facteur de correction (FC) évalué par la formule FC= (DFF-DOF)/ DFF ou DFF = distance du foyer au film et DOF = la distance objet film .


Le normogramme de HOLMQUIST permet une lecture radiologique précise en fonction de la distance entre l’objet et le film.


Nous avons accepté comme mise en évidence radiologique d’une jambe courte deux procédés:


1) le cliché de face (antéro-postérieur) réalisé le patient debout, membres inférieurs en extension et rotation interne  à condition que la différence entre les membres inférieurs soit supérieure à un centimètre (DIMEGLIO Coll [4]), mesurée par rapport aux têtes fémorales et que la crête iliaque plus basse soit homolatérale à la tête fémorale la plus basse.


2) le cliché de mensuration des membres inférieurs ( goniométrie) en décubitus dorsal, jambe en extension, genou au zénith à condition que la différence soit supérieure à 5 mm.




2) Le diagnostic clinique:


Notre diagnostic repose sur l’examen clinique comparatif du bassin et des membres inférieurs en charge et en décubitus.


Nous avons porté le diagnostic de membre inférieur plus court dans deux cas:


1) En position debout le patient doit présenter une EIPS et une EIAS homolatérale plus basse sans déformations du membre inférieur (Valgum asymétrique des genoux, valgus asymétrique des calcanéums, asymétrie des voûtes plantaires).


2) La clinique ostéopathique a mis en évidence un schéma de positionnement de la ceinture pelvienne dans l’espace significatif d’une inégalité de longueur des membres inférieurs lorsque les repères osseux de l’épine iliaque antéro-supérieure homolatérale à la jambe courte est plus basse que l’autre et que l’épine iliaque postéro-supérieure de ce coté est plus haute que celle du coté opposé.


Ce schéma peut se résumer dans la terminologie ostéopathique en une position d’iliaque antérieur du coté de la jambe courte et une position d’iliaque postérieur du coté de la jambe longue.(Richard)[5].


En décubitus, nous devons retrouver le même schéma de positionnement de la ceinture pelvienne qu’en position debout pour affirmer le diagnostic de membre inférieur court et inclure le sujet dans l’étude.


Nous avons ajouté à cet examen clinique des tests dans le but de vérifier certaines corrélations.


Suite aux travaux de Goodheart[6] aux États unis et de Nahmani [7]en France, repris par B. Bricot [8]et Clauzade et Daraillans[9]. Nous avons utilisé un test de kinésiologie appliquée et choisi comme muscle référence le muscle grand dentelé, qui fait partie de la chaîne musculaire postérieure.


Pour Bricot la cause la plus fréquente d’une jambe courte liée à un déséquilibre postural est d’origine oculomotrice avec une hypoconvergence oculaire controlatérale à la jambe courte. Pour compléter cette corrélation, nous avons noté l’œil directeur par le test du papier percé


Méthode et matériel




Notre cohorte est constituée de 80 patients adultes qui présentent une inégalité de membre inférieur à droite pour 45 d’entre eux et 35 une inégalité de membre inférieur à gauche.


Tous les patients ont été enregistrés sur la plate-forme de stabilométrie clinique informatisée, normalisée de l’Association française de Posturologie (Bizzo et al.,1985;Normes 85)[10].


Tous les enregistrements ont été réalisés yeux ouverts uniquement. Nous n’avons pas réalisé d’enregistrement en situation yeux fermés, car les différentes études concernant la modification d’information du capteur podal en situation yeux fermés ne donnaient pas de réponses statistiquement significatives. (Okubo J.,Watanabe L. Baron J.B, (1980).[11], Helbert S., Faugouin A.(1991)[12].


Chaque patient a été enregistré pieds nus puis successivement avec la mise en place d’une talonnette de 2 mm puis de 5 mm. La répartition de la succession des enregistrements a été partiellement randomisée.


Le temps écoulé entre deux enregistrements était le temps nécessaire à la prise des données informatiques et à la mise en place des talonnettes.


Pour 23 jambes courtes à droite et 17 à gauche deux enregistrements supplémentaires ont été effectués avec une cale de 2 mm et 5 mm sous tout le pied.


Méthode d’analyse statistique


L’analyse statistique a porté sur tous les paramètres retenus par l’Association française de Posturologie [5]: X moyen, surface, Y moyen, VFY, LFS.


Pour chaque paramètre et pour chaque dispositif, a été réalisé une comparaison de moyenne, en échantillon apparié, entre les distributions du paramètre obtenues avant pieds nus et après la mise en place des dispositifs.


Nous avons étudié séparément les jambes courtes à gauche et les jambes courtes à droite.


Résultats


1) Membre inférieur droit plus court


80% des patients présentant une jambe courte à droite, ont leur projection du centre de gravité à gauche. (X moyen)


Il existe une différence statistique très significative pour le paramètre des X moyen à p<0.001, avec les talonnettes de 2 et 5 mm.


On note un recentrage de la position en X moyen avec le port d’un élément de 2 ou 5 mm sous le talon droit.


Il existe une différence statistique significative pour le paramètre des Y moyen à p<0.05 avec la talonnette de 2 mm uniquement.


De plus on observe un même pourcentage des diminutions des surfaces et de normalisation du paramètre VFY avec 2 et 5 mm de talonnette.


La talonnette de 5mm semble moins aléatoire que 2 mm pour faire varier le paramètre des X moyen.


 2 mm sous le talon droit 23% et pour 5 mm sous le talon droit 37%



                                                                                

2) Membre inférieur gauche plus court.


88% des patients présentant une jambe courte à gauche, ont leur projection du centre de gravité à droite.


Il existe une différence statistiquement significative pour le paramètre des X moyen à p<0.001 avec 2 et 5mm


On note un recentrage en X moyen avec la pose d’un élément de 2 et 5 mm sous le talon gauche.


Il existe une différence statistique significative pour le paramètre Y moyen à p<0.05 avec 5 mm sous le talon uniquement.


On note un recentrage en Y moyen avec un élément de 5mm sous le talon gauche.


De plus on observe un même pourcentage de diminution des surfaces et de normalisation du paramètre VFY avec 2 et 5mm.                                                                                      


L’étude de la comparaison de l’histogramme de répétabilité à la courbe Gaussienne de répétabilité des variations aléatoires pour le paramètre des X moyen montre une variation moins aléatoire avec 5 mm sous le talon.


2 mm sous le talon gauche13% et pour 5 mm sous le talon gauche 34%



3) Etude réalisée avec 2 et 5 mm sous tout le pied.


Pour 23 jambes courtes à droite et 17 à gauche deux enregistrements supplémentaires ont été effectués avec une cale de 2 mm et 5 mm sous tout le pied.


Il existe une différence statistique significative pour le paramètre de surface à p<0.02 pour les jambes courtes à gauche uniquement et avec 5 mm sous tout le pied.


L’étude comparative de la hauteur des compensations selon leur situation sous le talon ou sous tout le pied portant sur le paramètre des X moyen recentré, sur le paramètre de surface en diminution et du VFY normalisé montre les rapports suivants:


X moyen

2mm talon  82%

 5 mm talon 70%

2mm sous tt le pied70%

5mm ss tt le peid  41%


Surface

2mm talon  41%

5mm talon  29%

 2 ss tt le pied  29%

5mm ss tt le peid 17%


VFY

 2 mm talon  53%

5mm talon   47%

 2 mm ss tt le pied 41%

 5 mm ss tt le pied 35%



 4) Résultat du test de l’œil directeur


L’œil directeur, mis en évidence par le test du papier percé, est homolatéral à la jambe courte dans 78% des cas pour les jambes courtes à droite et à 88% pour les jambes courtes  à gauche.




5) Résultat du test du grand dentelé


Le test de syncinésie musculo-articulaire postérieure caractérisé par le grand dentelé semble être corrélé à l’interrogation jambe courte car il devenait toujours énérgo-positif assis et après la mise de la talonnette.




Conclusion:




Sur une vraie jambe courte la projection du centre de gravité se porte du côté de la jambe plus longue à 84%.


La talonnette de 2 mm de 5 mm et la cale de 2 mm sous tout le pied donnent des résultats sensiblement identiques avec un gain plus important avec une talonnette de 2 mm sous le talon.


Il semble qu’une cale de 5 mm sous tout le pied donne de moins bons résultats.


Il semble que la compensation pour le membre inférieur gauche modifie plus généralement le paramètre des Y moyen quelle que soit la hauteur sous le talon, ceci n’est pas retrouvé avec le membre inférieur droit.


Si la talonnette modifie l’information au niveau de la tibio-tarsienne, une cale sous tout le pied modifiera l’information au niveau du membre inférieur, genou ou coxo-fémorale.


Il est peut être plus pertinent de parler d’information de la jambe courte plutôt que de compensation mécanique lorsque nous proposons une talonnette de 2 mm qui favorise un équilibre postural sans rétablir réellement un équilibre orthopédique.


Cette étude ne permet pas de se prononcer sur la reproductivité des résultats stabilométriques à long terme.


Lors de l’examen clinique conjoint à cette étude, nous avons remarqué une réponse aux différents tests posturaux nettement moins satisfaisants pour la compensation sous tout le pied que sous le talon et ceci à un degré moindre pour 2 mm.




1)VERLEYSEN, J - Précis de Pédicurie - Podologie, 284, PARIS, Maloine, 1974.


2)Normes 85, Association Française de Posturologie, 1985.


3)PODO FRANCE, Noisy-le-Grand 93160


4)Pied, équilibre et posture. KIRSCH JM, GUILLAUME G, MONTHEARD PH. -




Pourquoi les femmes portent-elles des talons ? Quelles en sont les conséquences ?,




148, PARIS, Frison-Roche, 1996.




5)Caron JF- Déplacement du centre de gravité, dans le plan sagittal, sous l’influence d’une cale talonnière. Ann.Kinésithér., 1992, t. 19, pp. 91-95






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ANISOMELIE du membre inférieur.


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